Rencontre avec Didier Fournier, dans sa cabane de dégustation, au QG de la mer, située près de Saint Martin en Ré. Une dégustation d’huître bien sûr, mais aussi de fruits de mer, le tout les pieds dans l’eau avec vue sur le parc à huitres ( lorsque la marée est basse). Didier nous explique comment il exerce son métier avec passion et les spécificités de l’huître qu’il produit sur l’île de Ré.
Est-ce que vous pouvez nous parler de votre parcours. Je crois savoir que l’ostréiculture n’est pas votre métier d’origine
On va peut être commencer par le parcours, mon parcours. A la base, j’étais pas dans les huîtres, j’étais dans l’aéronautique en région parisienne. Et je suis venu vivre ici. Mes parents étaient fonctionnaires sur Saint-Martin, donc je suis venu vivre ici et j’ai appris le métier sur le tas.
Comme il n’y a pas d’aeronautique dans le coin, je me suis fait un peu au travail qu’il y avait sur place. Et voilà, C’est quelque chose qui m’a toujours plu, de travailler dehors avec la nature. Et puis, l’ostréiculture c’est quelque chose. C’est un métier de passion avant tout. Et après, j’ai juste fait une petite formation qui a été une validation d’acquis du à mon parcours d’avant. Il fallait un bac, donc j’ai fait une petite validation acquis à l’école de Bourse France et puis après je suis devenu ostréiculteur à mon compte après trois ans passé chez un autre professionnel, qui lui m’a formé.
Voilà pour mon parcours.
Vous avez combien de parcs à huitres ?
Que j’ai eu sur l’île de Ré? Alors dans chaque commune, vous avez une zone ostréicole sauf au bois plage. C’est la seule commune qui n’a pas de parcs ostréicoles et moi j’ai des parcs, des concessions comme en agriculture. Ce sont des concessions que vous allez obtenir soit par les affaires maritimes ou soit une reprise.
Et vous vous en avez combien?
Je dois avoir l’équivalent de trois hectares et demi. Je suis une petite production par rapport à certains sur l’île de Ré, mais ce qui commence déjà à être pas mal parce que quand j’ai commencé, je faisais entre dix et vingt tonnes d’huitres et là maintenant, on est rendu à peu près soixante tonnes annuelles, donc c’est déjà pas mal. Il faut les vendre après derrière.
Comment les vendez-vous? via cette cabane, Mais après, est ce que vous êtes présent sur les marchés? Est ce que ces huîtres vous les exporter?
Vu que je ne venais pas du monde ostréicole, ce n’était pas une reprise et comme il y a beaucoup de gros ostréiculteurs sur l’île de Ré, mon choix a été vite orienté par ces différents éléments. Je savais très bien que je n’allais pas rivaliser en termes de volume par rapport à d’autres et même sur renommée. Donc ça a été vraiment d’axer la chose sur la valorisation du produit dès le début, la qualité. Après, j’ai eu de la chance de trouver des établissements assez bien placés, etc.
Mais déjà de base , mon premier établissement est un petit peu plus loin sur Saint-Martin et c’est la même chose qu’ici, on fait de la dégustation sur place. Je suis vraiment axé sur de la vente locale uniquement. Ma production est uniquement locale, parce qu’il faut savoir qu’il y a des ostréiculteurs qui cultivent en Bretagne, Normandie et qui les rapatrient après soit par chez nous, soit à Marennes Oléron. Et donc derrière c’est vendu quand même ici, mais c’est pas réellement des huitres d’ici . Les huîtres sont vraiment 100 % de l’île de Ré. c’est un produit vraiment de terroir.
« Les huîtres sont vraiment 100 % de l’île de Ré. c’est un produit vraiment de terroir »
Elles mettent plus de temps à se développer?
Alors c’est vrai que quand on les emmène en Normandie et tout ça, les courants sont plus forts etc, l’eau est plus chargée en nourriture, elles grossissent un peu plus vite, mais très peu. Vous allez gagner peut être gagner 4 à 5 mois. Parce que c’est une production assez lente. Il faut trois ans pour produire une huître.
Oui, c’est pas énorme.
Non, non. Savoir si le jeu en vaut la chandelle, transbahuter tout, acheter un camion etc. Je ne sais pas si c’est réellement rentable, mais ce sont des choix de culture. On n’a peut être pas sur l’île de Ré la capacité de produire un aussi gros volume que certains produisent actuellement en ayant des parcs en Normandie. Je pense que c’est uniquement une histoire de volume d’entreprise et de placement.
Comment s’appelle l’huître de l’île de Ré ?
Depuis très peu, on a créé une marque : les huîtres de l’île de Ré. On est on est sur un IGP. On est en train d’essayer d’obtenir un IGP. On travaille dessus depuis un an et demi et on est encore sur le cahier des charges. On a eu des contacts avec l’inao, récemment qui nous ont réorienté un petit peu sur le cahier des charges. Et là on va faire nos premiers événements sur la marque « ile de Ré » au mois de juillet.
Vous êtes en quête de notoriété et de visibilité. Est ce que ça veut dire que vous allez participer à par exemple , des salons où vous allez être mis en avant? Et si oui, lesquels?
Et alors ça, c’est notre prochain travail. Il y en a. J’ai déjà essayé de travailler moi, ça fait plusieurs années, bien que moi j’ai toujours eu et j’ai toujours fait valoriser mon produit. Je ne sais pas si réellement cet IGP va m’apporter un plus ou pas, mais au moins de la notoriété sur l’ile de ré. On a une clientèle qui vient pour beaucoup de l’extérieur et qui nous disent mais « vous n’êtes pas représentés chez nous parce qu’on parle souvent de Marennes Oléron ». Pour tant la production d’huitres de l’ile de Ré n’est pas peut-être pas la première économie de l’ile, mais je suis persuadée que si on regardait ça devrait être bien placé.
D’un point de vue strictement gustatif par rapport à Oléron ou en Normandie, ou St Vaast, les huîtres de l’île de Ré ont-elles une particularité ?
Marennes Oléron a une particularité, c’est que Marennes Oléron ont obtenu leur label il y a des années et celui-ci porte vraiment sur le côté affinage et non pas sur la production. Vous avez le côté fines de Claire ou spécial en marée. Ce sont des huîtres qui sont passées en marée, donc leur label est vraiment sur l’affinage, moins sur la production et nous on va jouer sur le côté d’un produit brut de mer. Et eux leur cahier des charges a été fait il y a des années. Je trouve que ce n’est pas très valorisant pour Marennes Oléron. Si on regarde bien dans le label, ce que vous avez besoin d’avoir, ce sont les huitres qui passent quinze jours dans leurs eaux pour avoir l’appellation Marennes Oléron. Et ça, nous on refuse de le faire. On a demandé à ce que la dernière année de production de l’huitre soit effectuée sur l’île de Ré, pour avoir vraiment un goût de terroir et quelque chose qui tienne un peu la route, pour tout le monde, pour les consommateurs.
Une journée type sur le parc, ça se passe comment?
Tout dépend aussi de la saison. On a la saison où on va récolter le naissain, le naissain d’huitres parce que moi je travaille avec des huitres naturelles, donc cette période de saison, on va commencer à préparer nos collecteurs pour les mettre en mer et récolter le naissain d’huitres. Et après vous avez le reste. Ça fait la croissance de l’huitre vu que c’est sur trois ans. Tous les étés, on va tourner 2 à 3 fois les poches d’huîtres en mer pour pour qu’elles s’oxygènent, que la croissance se passe bien, elles filtrent bien aussi. Et que ce que vous avez dans la poche, ça soit le plus homogène possible. Malgré cela, c’est un peu comme nous. Vous allez les garder cinq ans, dix ans, mais elles resteront toutes petites toute leur vie. C’est la génétique, c’est comme ça.
C’est pas vous qui définissez la taille finalement, le calibre de l’huitre, c’est en fonction de l’huitre elle même. Ou si vous l’arrêtez plus tôt vous pouvez avoir une action dessus ?
Le calibrage est national. Celles que vous avez dégustées sont des numéros 3.
On nous on dit qu’une huître arrive à maturité à partir de trois ans parce qu’elle arrive à une taille correcte et le remplissage des huîtres est correct aussi. Et par exemple, les huitres que vous allez avoir là ou même qui sont en cuisine, ce sont des huîtres qui ont été triées ensemble, et vous allez avoir de la numéro deux, de la numéro cinq, de la numéro quatre, de la trois. Tout est mélangé dans les poches en fait. C’est ce que je vous dis, c’est juste une histoire de génétique. C’est vrai que si je remettais de la numéro trois, en gros sur une année de plus ça va, elle va passer en numéro deux et après la croissance, elle est beaucoup plus faible les deux dernières années. parce qu’en général ça grossit Les cinq premières années. Donc vous arriverez jamais à une énorme huître parce que vous les gardez plus longtemps.
L’huître perd-elle en goût, si on la garde plus longtemps ?
Non, ça va moins grossir et vous allez gagner plus en chair, en taux de chair de l’huitre .
D’accord. ça peut être intéressant quand même.
C’est intéressant aussi.
un an de plus. Il y a d’autres moyens de faire grossir des huîtres, même sur l’estran, quand elles arrivent à maturité. On a de la chance de travailler avec les marées. Mais vous ne l’avez pas dans pleins régions du globe, parce que ça se cultive un peu partout dans le monde, les huîtres où il y a pas ce va et vient de La mer. Et nous c’est ce qui nous fait engraisser nos huîtres. Quand vous voyez qu’elles sont assez grosses et vous les ramener sur des parcs qui sont plus proches de l’estran et l’huitre va s’arrêter de grandir et va se former des réserves. Naturellement, la coquille va s’affiner, va durcir aussi, et vous allez vous faire un produit plus corsé, plus charnu à l’intérieur. Et c’est une finition du travail qui est importante quand on fait de la dégustation pour avoir un produit à peu près stable, etc.
Donc c’est ça qu’on appelle l’affinage. Finalement, c’est cette partie dont vous parlez?
Faire un peu d’affinage, oui. On joue aussi là dessus sur le cahier des charges, on essaie de voir si on ne peut pas faire, obtenir un affinage en mer, parce que c’est aussi une spécificité qu’on fait naturellement dans notre travail. Mais bon, il faut que les gens soient informés et sachent un petit peu comment ça se passe réellement la production.
Quelle est la saison des huitres laiteuses ?
Les huitres laiteuses, en ce moment, il va y en a voir quelques unes. Alors, les huîtres laiteuses ça commence à partir maintenant, en juin, juillet. On a eu un coup d’orage dernièrement alors elles ont pas mal délaité aussi, et c’est ce qui va faire délaité. Ça va être un choc thermique. Les huîtres peuvent monter deux fois en lait, parfois trois fois Une dernière petite trace au mois d’août. Mais en général, elles sont en lait à partir de mi juin jusqu’à mi juillet. Donc c’est là où nous, on prépare nos collecteurs pour mettre en mer et récolter le naissain d’huitre et elles vont délaiter . On ne sait pas quand il faut vraiment ce choc thermique, soit un gros coup de chaud ou un gros coup de froid ou un coup d’orage qui va faire que les huitres le ressentent. Et elles vont délaiter, naturellement.
Donc ce n’est pas spécialement les mois qui ne sont pas en R , que les huitres sont laiteuses ?
Avant oui. On a toujours dit ça. Je travaille un peu là dessus en travaillant sur les huitres naturelles, parce que les huitres, il fallait pas les manger les mois dans lesquels il n’y avait pas de R. Tout simplement parce qu’elles étaient laiteuses. Mais oui, c’est mangeable et comestible. Au contraire, il faut juste le communiquer.
Et moi je trouve ça très intéressant.
Et le naissain d’huîtres, concrètement qu’est-ce que c’est ? C’est le petit l’huître et c’est ça?
En fait, au début, les huîtres, quand elles sont en lait, elles vont éjecter leur gamètes dans l’eau. La fécondation se fait dans l’eau, mais c’est une petite larve qu’on ne voit pas. Donc nous, c’est là où l’on intervient. On fait comme des sortes de petites ruches. Pour vous imager un peu la chose avec des tubes ou des coupelles à Arcachon, c’est des tuiles .
Et donc du coup, à cette période de l’année, on va les mettre en mer et les petites larves cherchent un petit support pour s’accrocher. Une fois qu’elle s’y est accrochée , elle s’y accroche pour toute sa vie et là elle va se transformer en huitre, elle va former une coquille etc. Mais vous la verrez pas à l’œil nu avant un an. Mais c’est vraiment au début, c’est travailler à l’aveugle.
C’est de la taille d’une lentille finalement
Oui, c’est exactement ça. Je vais aller chercher une coquille. Je pense que le mettre sur les huîtres que vous avez mangé, si vous tournez, vous devez avoir des petites huîtres accrochées dessus et vous verrez qu’au bout d’un an c’est vraiment, c’est vraiment petit.
La petite larve a trouvé un support. Donc là , c’est l’huître. Donc là, ce sont des huitres qui ont un an même peut être un peu plus. Dans la nature, il y en a un petit peu partout sur l’huître.
Vous les enlevez ?
Alors là, sur l’huître, on ne les enlève pas, on met des collecteurs de naissains en mer, on fait une petite ruche et après on vient récolter ce naissain et on va aller l’année d’après les mettre un peu plus au large. Parce que plus votre huitre est immergé dans l’eau, puis elle va grossir.
Ok, donc là c’est perdu. On en fait quoi? Des coquilles après c’est ça?
Nous on remet en mer. Ou alors après on travaille aussi avec une entreprise qui recycle.
Et puis il y a aussi le Gryffé. Ce sont des couteaux à huitre avec le manche en huître, ils sont basés à Rochefort.
Comment se forment les perles dans l’huitre ?
Quand la mer monte. Ça va mettre en suspension de la vase, du sable et une huître dans l’eau. Elle est toujours entrouverte parce qu’elle filtre. C’est des filtreurs de l’océan, tout comme les moules, comme dans beaucoup de coquillage. Ce sont des poumons pour l’océan parce qu’elles nettoient aussi.
Elles ont une fonction très importante en mer Et on recommence. Et donc on est entrouverte elles vont aspirer peut être un petit grain de sable qu’elle va cristalliser, elle va l’avoir dans l’estomac, digérer. Et c’est comme ça que se forme les perles. Certains de mes clients en trouvent. Ils les gardent, ils sont contents.